À contre-jour, R. Nédélec
Un pas de plus, et l’on frappe à la porte. Tu ne te lèves pas car c’est aujourd’hui comme à chaque fois : personne n’attend sur le seuil, et l’inconcevable présence se tient droite, à bonne distance.
Tu ne te lèves pas car tu n’es pas seul à la table et que l’autre n’a pas tremblé. Peut-être même a-t-il souri quand il t’a semblé entendre une voix et que tu t’es moqué de ta propre espérance.
En tout cas, une ombre alors a passé, à défaut d’ange.
Tu ne bouges pas plus que la pierre brutale dont sont faites les âmes. Le froid te dilate les yeux, et tu attends que s’efface l’encore palpable apparence qui s’est figée dans ta maison.
La nuit cependant tourbillonne et avance. Mais comment savoir ce qui est dehors et ce qui demeure dedans quand l’ourlet d’une robe irrite le visage – comment distinguer l’autre côté quand on ne sait ce qui sépare ?
À la verticale du lieu, J.-L. Aribaud
j'entre dans cette vigne comme dans un ciel ouvert
pour mon silence d'homme j'entre et sous le fouillis
profane
des rouilles et des pampres je reconnais la pierre
usée qui m'attend
escale rugueuse pour mes mains cernées de solitude
c'est un autel caché depuis toujours sous le travail
des hommes
étal coutumier d'un temple où j'aborde à chaque fois
délivré
de ce poids qui me confond de ce doute aux ailes de
rapace
et que je le reconnaisse n'est point là l'unique illumination
de mes mains
lorsque sous la froideur sereine tressaille comme
un nerf
une poigne discrète que ce granit de parole consent
à me céder