Yves Bonnefoy, Ensemble encore
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- Publié le dimanche 3 juillet 2016 14:36
Yves Bonnefoy, Ensemble encore, Suivi de Perambulans in noctem, Mercure de France, avril 2016, 140 p., 14,80 euros
Yves Bonnefoy vient de mourir. Il avait 93 ans. Il avait publié au printemps un dernier recueil : Ensemble encore. Il y poursuit une méditation sur le lieu où se tient chaque existence qui a entendu l'appel de l'Etranger et se sait dès lors en chemin : chemin nocturne, comme l'indique le titre de la seconde partie du recueil, mais traversé d'éclats, chemin du retour à l'enfance, à l'origine, comme l'indiquent encore aussi bien l'emploi de la langue latine, que l'évocation de « la maison du très lointain autrefois », celle des grands-parents, dans le Lot, qu'il a été donné au poète de revoir. Cette méditation sur le lieu de l'existence qui s'ouvre avec le premier recueil, Du mouvement et de l'immobilité de Douve, revient encore une fois et désormais comme pour toujours sur cette conjonction du rêve et de la réalité qui constitue notre séjour authentique. Ensemble encore s'ouvre sur l'évocation d'une salle, un lieu de l'esprit comme du coeur qui n'est peut-être pas moins réel ou moins irréel que celui où se tiennent les corps, un lieu où les contradictions semblent se dissoudre pour dévoiler une autre modalité d'être qui trame intimement présence et absence, vie et mort. Que l'amour et le désir soient les causes efficientes qui permettent d'entrer de nouveau dans ce lieu d'où nous fûmes chassés - salle ici mais aussi chambre ou jardin - n'étonnera pas le lecteur de Bonnefoy ou simplement le lecteur de poésie :
C'est bizarre, je ne vous reconnais pas.
Tant il fait nuit je ne vois plus votre visage
En dépit dans vos yeux de cette lumière
De diverses couleurs si loin là-bas.
Je comprends que vous tous, vous n'êtes plus
Auprès de moi qu'une seule présence,
À qui tendre la coupe, je ne sais
Ni ne le veux, je la pose, un instant.
Apercevant vos mains,
Je les touche des miennes, c'est suffisance.
Car c'est vrai que rien n'est réel, de cette salle
Où nous sommes ensemble, vous et nous.
A-t-elle des cloisons, elles s'effacent
Dès que je m'en approche. Je ne sais
Si c'est dedans, dehors, cette nuit claire,
Je prends la coupe, je l'élève, elle n'est plus.
Et que contenait-elle, ai-je su jamais,
Cela semblait réel, ce l'était peut-être,
Disons, ce fut un vin
Que nous avions désir de boire ensemble [...]
à consulter : outre le blog de Michel Maulpoix, celui de Stphane Peltier : http://stephanepeltier.com/blog/?p=467