Benjamin Fondane, "La conscience malheureuse", Verdier

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Les Éditions Verdier viennent de rééditer une livre essentiel de Benjamin Fondane, "La conscience malheureuse" (350 p., 20, 50€). L'ouvrage doit être lu en regard des "Chiens de garde" de Nizan, du "Pour la poésie" de Cassou et bien sûr des oeuvres de Léon Chestov. Une des deux épigraphes qui ouvrent le livre est empruntée à ce dernier : "Que se réalise donc la promesse : "Il n'y aura rien d'impossible pour vous !"". L'autre appartient à Aristote : "L'homme n'aspire pas à l'impossible. Et, s'il y aspire, tout le monde le considérera, comme un faible d'esprit." C'est à ce dernier et, à travers lui, à la raison - et à ce qu'elle peut avoir de désespérément raisonnable -  que Benjamin Fondane répond, dès sa "Préface pour l'aujourd'hui"  : "De toute manière, rien ne nous fera admettre que l'on n'entreprend une lutte que parce qu'on la suppute facile et réalisant ses buts immédiatement - et que l'homme puisse se refuser à une lutte autrement plus grave, contre un adversaire autrement plus terrible, uniquement parce que les chances de gagner apparaissent à première vue, utopiques et improbables. Tant que la réalité sera telle qu'elle est, de manière ou d'autre - par le poème, par le cri, par la foi ou par le suicide - l'homme témoignera de son irrésignation, dût cette irrésignation être - ou paraître - absurdité et folie."

À quoi Benjamin Fondane ne veut-il pas se résigner : à la condition malheureuse de l'homme,  à la tentation de négliger la dimensiton métaphysique de cette condition au profit de sa seule dimension historique sous prétexte que seule cette dernière serait commensurable à l'action humaine, à l'oubli, enfin, et au sacrifice de la dimension singulière de l'existence (et des existants) que le choix de l'histoire comme terrain de bataille implique. L'aujourd'hui - et ses choix - dont parle Benjamin Fondane sont encore les nôtres et son livre a encore beaucoup à nous apprendre.

Éd. Verdier :
http://www.editions-verdier.fr/v3/index.php